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Le coin des PLP Lettres-Histoire
26 avril 2016

"Au jour d'aujourd'hui" et autres aberrations

En lycée pro, on récupère la plupart du temps des élèves qui ont une vision de la langue française assez personnelle.

En cours de français, que ce soit pour le CAP, pour la certification du BEP ou le BAC, le professeur est amené à rencontrer quelques unes des aberrations du langage, dans les diverses rédactions imposées.

Au départ on se dit juste que ce n'est pas possible. Que c'est une erreur passagère et que d'ici quelques mois, ces étranges adaptations du français vont disparaître à force de notre acharnement, notre lutte sans merci contre les fautes. Je ne parle pas des basiques fautes de syntaxe, d'orthographe ou de conjugaison, sur lesquelles je reviendrai probablement, je parle des expressions inventées.

"Au jour d'aujourd'hui" est pour moi une des plus flagrantes. S'il y a bien un truc qui ne veut rien dire, et qui pourtant contamine autant nos élèves que les propos divers et variés lus et entendus jusque dans les médias ou les classes politiques, c'est ça : "au jour d'aujourd'hui". Comme s'il pouvait exister un "au jour d'hier" ou "au jour de demain".

Cela dit, "au jour d'aujourd'hui", est un exemple magnifique pour expliquer à nos élèves la notion de pléonasme. "Monter en haut", "Descendre en bas" sont dépassés, complètement obsolètes face à la richesse de cette erreur quasi poétique qu'est "au jour d'aujourd'hui".

Mais si cette expression a un petit quelque chose de littéraire dans son abord, il y a quelques horreurs qui ont fait leur place, et dont je n'arrive pas à me débarrasser : "malgré que" en tête de liste, "comme même", "entrain", ou "or que".

"Malgré que" a contaminé toutes les couches de la société, et lorsque j'explique à mes élèves que ça n'existe pas, ils me rétorquent invariablement "Mais si, je l'ai entendu à la télé". Au secours : ils ont raison. Jusque dans le journal télé, "malgré que" a pris sa place. Il est partout. Il est dit, il est écrit, il est répété. C'est une abomination ! Alors, vous me direz qu'il existe une tournure dans laquelle "malgré que" est admis. Je vous l'accorde, mais j'insiste : dans l'esprit de nos petits, la nuance n'a pas sa place. Soyons donc clair : "malgré que" doit être remplacé par "bien que" ou "malgré le fait que".

"Comme même", c'est leur version de "quand même". Et je ne comprends pas du tout comment ça a pu arriver. Je m'interroge, puisque même phoniquement, "comme même" ne passe pas. Et puis alors celui-là, on peut leur expliquer, ça rentre par une oreille, ça sort par l'autre, sans s'arrêter une demie seconde au niveau du cerveau.

"Entrain", c'est évidemment l'étonnante contraction de "en train" : "Le personnage est entrain de faire ceci ou celà" ressort régulièrement. L'espace a disparu quelque part, et pour le remettre à sa place, c'est chaud patate.

Finalement, un de mes préférés : "Or que". Pour "Alors que", vous l'aurez peut-être compris. Où est passé "Al" ? C'est là aussi un mystère. "Or que" contamine les copies, et encore une fois, quand je leur explique que ça ne se dit pas, ils ouvrent pour certains de grands yeux ébahis. Cela dit, celui-ci s'explique en partie par cette facheuse tendance qu'ils ont a bouffer les mots à l'oral. De là à pesister à l'écrit, je me dis qu'il y a une marge. Peut-être un loupé dans l'enseignement en amont.

En LP, on nous demande en somme de rattraper les gamelles accumulées à travers un parcours de primaire et de collège souvent chaotique. Mais nous ne sommes pas des magiciens non plus. A part leur faire écrire et barrer d'une grande croix rouge ces quelques expressions, le seriner jusqu'à overdose, je n'ai pas trouvé de solution. Parfois, cela fonctionne, parfois on les retrouve dans les copies de bac.

Certains me diront peut-être que ce n'est pas grave, et qu'il faut bien que la langue évolue. Ce que j'entends. Pourtant, ça reste une douleur pour mes yeux ou mes oreilles, et je n'arrive pas à m'en défaire. Il y a bien assez de fautes à faire, pour ne pas en inventer de nouvelles...

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  • Aspirant, stagiaire, néotit, ou soldat aguerri de l'Education nationale, chaque PLP s'est senti seul à un moment donné. Les lettres-histoire et les autres verront peut-être ici que chacun a déjà rencontré les mêmes situations, questions et inquiétudes...
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