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Le coin des PLP Lettres-Histoire
29 avril 2016

L'heure de colle, ou comment-faire-comprendre-à-mon-élève-qu'il-a-dépassé-les-bornes

heure_de_colle

L'heure de colle, ou la retenue, est un étonnant moyen de punir l'élève.

Depuis la 6ème jusqu'à la Terminale, l'élève a au-dessus de sa tête cette étrange épée de Damoclès : si tu ne suis pas les règles, tu seras puni. Et ta punition sera de rester une heure de plus que tes camarades dans ton établissement, et de faire un travail pour ton professeur. Travail qui ne sera jamais lu ni corrigé, et qui souvent n'aura à tout jamais aucun effet, ni sur ta progression, ni finalement sur ton comportement.

Alors, quand mes élèves me demandent poliment : "Franchement, Madame, une heure de colle, ça sert à quoi ?". Voyez-vous, je suis bien embêtée, parce que pour moi, si on n'anticipe pas le propos, l'heure de colle ne sert à rien.

Pourtant, des heures de colle j'en ai mises. Une heure par ci, deux heures par là (parfois dans mes cours en fin de journée, pour être sûre que ça ressemble vraiment à une punition) avec en tête que pour le coup, ce moment était une maigre vengeance pour avoir pourri mon cours ou n'avoir pas respecté mes règles. Dans l'esprit du tu-m'as-tapé-je-te-tape. Une simple, basique et primaire vengeance.

Oui, parfois, ça soulage. Se dire que l'élève va rester coincé juste une heure pour expier sa faute, et que pendant cette heure, il sera impuissant face à notre pouvoir, et qu'il va regretter de nous avoir saoulé... Bon sang, que la vengeance à un goût de miel dans ces moments !

Mais à part ça, honnêtement, l'heure de colle ne sert pas à grand chose. Pour peu que la Vie scolaire (les surveillants pour les néophytes) ne soit pas redoutable d'efficacité, l'élève aura passé une heure avec son téléphone portable en salle de permanence, n'aura même pas idée du travail qu'il avait à faire, et partira de là en ayant encore moins appris que s'il était rentré chez lui. Efficacité de l'opération : zéro.

Et puis il y a un autre bémol. Par exemple, j'avais établi il y a quelques temps pour les entrants en seconde la règle suivante : au troisième oubli de leurs affaires, les élèves venaient une heure en colle. Dans le principe, ça peut fonctionner, mais la plupart du temps, les petites croix que l'on fait scrupuleusement entre septembre et octobre deviennent des gribouillis illisibles, et petit à petit, on enfreint nous-même notre règle, et on perd du même coup toute crédibilité face aux élèves.

Il y avait un autre hic dans ce système que je trouvais infaillible : mon odieuse subjectivité. En effet, lorsqu'un bon élève, sérieux, travailleur, assidu, en arrivait à sa troisième croix, j'avais toujours tendance à oublier de cocher, parce que je n'avais pas envie de le punir ; parce que je savais que lui allait se faire pourrir par ses parents, et que ça risquait de lui être vraiment préjudiciable. Donc, dans ce cas, on en arrive à punir toujours les mêmes, ceux qui nous enquiquinent en cours, et pas uniquement parce qu'ils se pointent chaque semaine avec les mains dans les poches, leur carnet de correspondance roulé sous le bras et un pauvre stylo quatre couleurs piqué à un camarade.

Ce système, donc, s'est révélé contre-productif.

Si on regarde le règlement intérieur, on peut avoir des dizaines de raisons de coller les élèves : retards ou absences abusifs, travail non fait, oublis (de tenue, de cahiers, de tête...), et puis les basiques bavardages, insolence, dissipation permanente, et j'en passe.

Finalement, j'ai arrêté de coller à tour de bras. Déjà parce que dans mon établissement, les CPE sont débordés et pas tellement efficaces, les surveillants sont pour la plupart des grands-frères ou des potes des élèves, qui s'arrangent avec eux pour faire croire que la colle a été faite. Ensuite parce que leur donner des exercices de grammaire hyper rébarbatifs photocopiés à la hâte entre deux cours, n'avait aucun intérêt pour eux, ni pour moi. Enfin parce que même s'ils allaient sagement faire leur heure de colle et que tout se passait bien, je ne voyais jamais revenir leur travail ; et quand par hasard je le retrouvais au fond de mon casier, il y restait sagement jusqu'à fin juin, avant d'atterir à la poubelle.

Pourtant, voyez, parfois je colle encore. Maintenant, je fais vraiment le lien entre ma progression et les devoirs que je leur donne, pour qu'ils puissent (pour certains) y voir un intérêt : par exemple refaire une évaluation qui a été foirée, construire une rédaction en rapport avec le thème, reprendre un document qui a été mal compris en cours. Bref, je la joue plus fine. Et les élèves doivent au cours suivant me rapporter en main propre le travail qui a été fait. Comme ça, je l'ai, et même si ça me saoule, je m'oblige à les corriger et soit à leur rajouter des points à une évaluation passée, soit rajouter une note dans la moyenne. Qu'ils aient l'impression de n'avoir pas perdu complètement leur temps.

Il y a d'autres moyens pour montrer à l'élève qu'il a fauté, sans passer par la vengeance primaire de l'heure de colle. Notamment l'appel aux parents quand ils existent, mais j'y reviendrai une fois prochaine.

Pour terminer, nous devons garder en tête, surtout en lycée professionnel, que nous sommes formateurs plus que professeurs, et que nos élèves doivent se sentir accompagnés, poussés vers l'avant, encouragés...

Même si parfois il serait tentant de faire claquer quelques gifles...

 

(Source image : http://www.canailleblog.com/melimelo8/hey,n1419417.html)

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  • Aspirant, stagiaire, néotit, ou soldat aguerri de l'Education nationale, chaque PLP s'est senti seul à un moment donné. Les lettres-histoire et les autres verront peut-être ici que chacun a déjà rencontré les mêmes situations, questions et inquiétudes...
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